La chambre commerciale de la Cour de cassation vient de rendre un arrêt plutôt favorable aux cautions.

📜(Cass. com. 4 avril 2024, n°22-21.880).📜

Un cautionnement consenti par un dirigeant, pour un prêt professionnel, peut-être remis en cause s’il est démontré qu’au moment où il a été conclu, l’engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.💰

Le cas est classique, surtout dans une période propice aux liquidations judiciaires :

l’ouverture d’une liquidation judiciaire rend immédiatement exigibles les cautionnements consentis par les dirigeants, qui se retrouvent poursuivis personnellement en garantie des prêts non soldés qui avaient été accordés à leur société liquidée, à hauteur de leur engagement de caution.📑💵

Pour apprécier si l’engagement du dirigeant au moment du cautionnement accordé était disproportionné, les cautionnements antérieurs consentis par le dirigeant doivent être pris en compte. Le dirigeant pourra ainsi opposer au créancier un volume d’engagement trop important au moment de la souscription du cautionnement s’il avait déjà d’autres cautionnements antérieurs.⏲️

Mais la caution n’a pas à déclarer spontanément l’existence de cautionnements antérieurs au moment où elle signe un nouveau cautionnement.✍🏼

Le créancier prêteur doit donc inviter la caution à déclarer ces cautionnements.

La fiche de renseignements qui est remise par les banques et créanciers prêteurs lors d’un cautionnement prend ici toute son importance. Car si le créancier ne demande pas à la caution de lui communiquer ces informations pour apprécier sa situation, la caution pourra ensuite se prévaloir de ces cautionnements antérieurs pour contester par la suite le nouveau cautionnement.❌

En clair, le créancier professionnel, qui accorde un prêt pour un dirigeant, ne peut se passer aujourd’hui de cette fiche de renseignements, qui constitue pour lui la preuve d’avoir accompli son obligation de conseil.🗣️

Les informations qui figurent sur cette fiche seront opposables à la caution. Et la caution a l’obligation de déclarer la réalité de son patrimoine et de ses engagements lorsqu’ils lui sont demandés.

Attention toutefois à l’appréciation du contenu de cette fiche de renseignements : une autre décision de la première chambre civile avait déjà exclu qu’une caution puisse se prévaloir d’un cautionnement antérieur, au motif qu’une fiche de renseignement avait été remplie, et que cela suffisait (Cass. civ.1, 24 mars 2021, n°19-21.254). Autrement dit, le fait qu’une fiche de renseignements ait été demandée par le prêteur suffirait peut-être à avoir « invité la caution » à déclarer les cautionnements antérieurs, même si cette fiche ne comporte pas précisément cette demande d’information.🪪

Quel est l’effet de cette disproportion ? Pour les cautions signées avant le 1er janvier 2022, la caution est intégralement libérée, sauf si elle est finalement revenue à meilleure fortune.☑️

Pour les cautions souscrites depuis le 1er janvier 2022, en revanche, la disproportion aura un effet relatif : son cautionnement sera réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date. Mais l’exception de retour à meilleure fortune n’est plus applicable. C’est l’application du « nouvel » article 2300 du Code civil qui unifie les règles du cautionnement et rééquilibre les intérêts du créancier et de la caution : le cautionnement reste efficace, mais la caution ne pourra pas être poursuivie au motif que sa situation s’est améliorée.📃

Dans la lignée de la consécration du devoir de mise en garde de la caution sur les capacités financières de l’emprunteur (article 2299 du Code civil), la Cour réaffirme aujourd’hui ses exigences vis-à-vis du devoir du créancier professionnel de s’assurer également des capacités financières des cautions, en sanctionnant l’absence de fiche de renseignement.

Avez-vous signé une fiche de renseignement ? Si vous êtes poursuivis pour votre cautionnement, posez- vous la question et reprenez vos papiers, il existe peut-être trouver un moyen efficace de vous libérer !😉