Une société dispose d’une personnalité morale qui lui est propre. Lorsqu’il est question de créer une société à responsabilité limitée, les associés voient leur patrimoine protégé puisque, par nature, ils ne sont engagés qu’à hauteur de leurs apports.
Tel n’est pas le cas pour l’entrepreneur individuel qui exerce son activité sans écran et qui engage en principe son patrimoine personnel.
Les conséquences des risques pris par l’exercice en nom propre ont conduit le législateur (Loi 2015-990 du 6 août 2015) à intervenir pour protéger la résidence principale de l’entrepreneur individuel, qui est devenue insaisissable de plein droit (art. L526-1 alinéa 1er du Code de commerce). Cela veut dire qu’un entrepreneur individuel voit sa résidence principale protégée de ses créanciers professionnels.
Encore faut-il que l’entrepreneur individuel démontre qu’il s’agit bien de sa résidence principale.
En cas de liquidation judiciaire, le liquidateur peut appréhender dans le gage commun des créanciers l’ensemble des immeubles qui appartiennent à l’activité professionnelle de l’entrepreneur. Sauf si celui-ci démontre qu’à l’ouverture de la liquidation judiciaire, l’un des immeubles constituait sa résidence principale. Mais la charge de la preuve lui appartient (Cass.com. 22 novembre 2023, n°22-18795).
Depuis La loi API du 14 février 2022, et pour tous les entrepreneurs qui ont créé leur activité après le 15 mai 2022, l’intérêt de l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale est limité, puisque l’article 526-22 du Code de commerce consacre la scission du patrimoine personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel. Le patrimoine professionnel comprend tout ce qui est utile à l’activité de l’entrepreneur et donc exclut par nature sa résidence principale.
L’insaisissabilité n’a donc d’intérêt que lorsque l’entrepreneur exerce son activité dans les locaux de sa résidence principale, puisque dans ce cas, l’article L.526-1 alinéa 1er prévoit que seule la partie non utilisée pour son activité professionnelle est insaisissable (sauf s’il s’agit de sa résidence principale).
Mais un gérant d’une société de personne ou de capitaux, même si elle est à responsabilité limitée ne dispose pas de cette insaisissabilité de plein droit. Ainsi, un créancier professionnel pourrait saisir la résidence principale d’un gérant de SARL ou d’un Président de SAS si celui-ci s’est porté caution personnelle pour une dette professionnelle.
La société ne fait pas écran à la saisie des créanciers dans ce cas. Voilà l’entrepreneur individuel mieux protégé que le gérant de société !
La création d’une société n’est donc plus un critère évident de protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur, à qui l’on pourrait même conseiller d’économiser des frais si son objectif est avant tout de protéger son cocon familial… un conseil qui n’aurait jamais été donné il y a seulement quelques années.
Comme quoi, ce qui valait hier ne vaudra peut-être plus demain. Une illustration de l’intérêt de consulter son avocat plutôt que de croire les « on dit » …
L’extension de la règle de l’insaisissabilité de plein droit aux dirigeants de société serait en projet.