Lorsque l’on sait qu’une cession de droit répond en droit français à un formalisme particulier (doivent être précisés la durée de la cession, la zone géographique, chacun des droits cédés), l’on aurait tendance à penser que la mention « libre de droits » ne répond pas à ce formalisme et serait donc nulle.
Ce n’est pas tout à fait ce que nous dit la Cour d’appel de RENNES dans un arrêt de janvier 2023…
En l’occurence, une commune bretonne a commandé auprès d’un photographe professionnel un reportage complet relatif à la saison estivale et au patrimoine de la ville.
Tant le devis du photographe que la facture, établie le 7 octobre 2016 pour le prix de 2.500 € hors taxe, portent la mention « Prix forfaitaire incluant : une quinzaine de déplacements durant tout l’été, journées avec ou sans soleil, prises de vue, retouches et calibrages des images numériques ».
Est précisée de manière soulignée la mention selon laquelle « Les photographies sont « libres de droits ».
400 clichés ont ainsi été vendus.
Une des photographies a été utilisée par la commune sur son site internet après recadrage et sans citer le nom du photographe. Le recadrage a manifestement mené à la suppression d’une partie non négligeable de la photographie.
Le photographe, après avoir tenté des négociations, a donc porté l’affaire en justice, le désaccord entre les parties portant évidemment sur l’interprétation de cette mention.
Selon la Cour, « la gratuité d’utilisation ne pouvait être confondue avec une utilisation modifiée sans autorisation et sans le nom de son auteur, le droit moral étant incessible ». En d’autres termes, elle estime que cette mention ne peut viser que l’absence de rémunération au titre de l’exploitation des photographies mais pas le droit moral de l’auteur.
Elle condamne la commune à verser 500 € à ce titre.
Elle rappelle ainsi très nettement que le régime du droit moral de l’auteur (droit de paternité et droit au respect de l’œuvre notamment) s’applique aux photographies dites « libres de droit » et ce, sauf si l’auteur y a explicitement renoncé.
Elle rejette en revanche la demande fondée sur les droits patrimoniaux car « en insérant la mention « libre de droits » à son devis du 30 juin 2016 et dans la facture du 7 octobre 2016, [le photographe] a clairement renoncé à toute rémunération pour l’exploitation des clichés du reportage réalisé par ses soins ».
Si l’originalité des photographies est souvent rejetée elle est ici reconnue au motif suivant : « L’originalité de ce cliché s’évince de ce que les couleurs brun-rougeâtres des voiles des Cornish se détachant sur le bleu de la mer et du ciel attirent instantanément l’œil de l’observateur à la fois par leur caractère inhabituel qui interpelle sur le type de bateau qui s’en trouve équipé ‘ les Cornish n’étant pas de simples voiliers ordinaires ‘ mais aussi par leur nombre et leur regroupement qui font s’interroger sur la raison de leur présence à cette heure de la journée et de leur manœuvre à une distance assez proche de la plage ».
A noter enfin: le photographe avait demandé la publication de la décision sur le site de la mairie en question. La demande a été rejetée par la Cour qui a relevé que la commune avait retiré la photographie de son site dès réception du premier courrier de réclamation de la part du photographe. Ceci explique également certainement le montant de l’indemnisation qui lui a été allouée.
Nous ne saurions que trop conseiller, tant aux photographes professionnels qu’à leurs clients, de régulariser des contrats de cession de droit d’auteur en bonne et due forme pour éviter ce type de contentieux.
Référence: Cour d’appel de Rennes, 17-01-2023, n° 20/05121.